Donc toujours revenir " Au commencement " (Genèse 1:1) , là où l’on ne sait encore rien ou si peu — car c’est à partir de là que " Dieu " Se révèle.
Ce Verbe primordial permet de rapprocher les deux lettres " Au " du commencement de la syllabe sacrée " Aum " qui, dans le Véda, est vue comme " la première manifestation de la Réalité suprême, à la racine de toutes les créations à venir ". D’autant plus que cette syllabe, qui se prononce " om ", se fait entendre dans le mot " c-omme-ncement ", à partir duquel " Dieu " commence à Se révéler et à Se faire entendre en " l’H-omme ". Car il ne fait aucun doute que toute Parole véritable — celle qui éclaire et libère — est la Révélation de Dieu en l’Homme.
De l’Orient védique à la Parole biblique et coranique, se déploie le même mouvement : celui par lequel l’homme, en se tournant vers le Commencement, reconnaît la divinité de son être. Et, à partir du moment où " le Bienheureux Seigneur " Se révèle, on entre dans la confidence — dans la pure Connaissance de son être, ainsi qu’en témoignent les versets suivants du Coran.
Bienheureux… Ainsi parle le grand Prophète Mahomet, Celui qui ne parle que pour que le Bien suprême de tout homme puisse se révéler.
Et c'est avec ces mots que l’Être suprême parla au Bienheureux, qui ne voyait que Lui en tout et partout, et qu’Il entra dans sa propre perception :
1. Qui jette une lueur vive et rapide.
2. Qui frappe vivement et soudainement l’esprit, l’imagination.
3. Très vif, très fort et rapide. → Synonyme : foudroyant." (W)
4. Eux seuls seront conduits par le Seigneur, eux seuls seront bienheureux.
5. Pour les infidèles, il leur est égal que tu les avertisses ou non : ils ne croiront pas.
6. Dieu a apposé un sceau sur leurs cœurs et sur leurs oreilles ; leurs yeux sont couverts d'un bandeau, et le châtiment cruel les attend.
7. Il est des hommes qui disent : Nous croyons en Dieu et au jour dernier, et cependant ils ne sont pas du nombre des croyants.
8. Ils cherchent à tromper Dieu et ceux qui croient, mais ils ne tromperont qu'eux-mêmes et ils ne le comprennent pas.
9. Une infirmité siège dans leurs cœurs, et Dieu ne fera que l'accroître ; un châtiment douloureux leur est réservé, parce qu'ils ont traité les prophètes de menteurs.
10. Lorsqu'on leur dit : Ne commettez point de désordres sur la terre, ils répondent : Loin de là, nous y faisons fleurir l'ordre.
11. Ils commettent des désordres, mais ils ne le comprennent pas.
12. Lorsqu'on leur dit : Croyez, croyez ainsi que croient tant d'autres, ils répondent : Croirons-nous comme croient les sots, n'est-ce pas plutôt eux qui sont des sots ? Mais ils ne le sentent pas.
13. S'ils rencontrent des fidèles, ils disent : Nous avons la même croyance que vous ; mais dès qu'ils se trouvent à l'écart, en société de leurs tentateurs, ils disent : Nous sommes avec vous, et nous nous rions de ceux-là.
14. Dieu se rira d'eux ; il les fera persister longtemps dans leur rébellion, errant incertains ça et là.
15. Ce sont eux qui ont acheté l'erreur avec la monnaie de la vérité, mais leur marché ne leur a point profité ; ils ne sont plus dirigés dans la droite voie.
16. Ils ressemblent à celui qui a allumé du feu ; lorsque le feu a jeté sa clarté sur les objets d'alentour et que Dieu l'a enlevée soudain, laissant les hommes dans les ténèbres, ils ne sauraient voir.
17. Sourds, muets et aveugles, ils ne peuvent plus revenir sur leurs pas.
18. Ils ressemblent à ceux qui, lorsqu'un nuage gros des ténèbres, de tonnerre et d'éclairs, fond du haut des cieux, saisis par la frayeur de la mort, se bouchent les oreilles de leurs doigts, à cause du fracas du tonnerre, pendant que le Seigneur enveloppe de tous côtés les infidèles. " (Coran 2:4)
Ainsi, le mot " fulgurant " convient parfaitement : " le Prophète " est " la lumière même de Dieu ", lumière foudroyante dont la nature est de frapper le mental qu’elle atteint, le laissant sans voix, nu, désarmé, ouvert à la Révélation.
Ces versets, d’une puissance poétique rare et d’une profondeur saisissante, ne font que révéler la Vérité, dès lors que l’on reconnaît qu'ils éclairent, dans la vie du monde, ce qui n’est pas fidèle à la Vérité. La Parole n’informe pas — elle dévoile, elle sépare le vrai du faux, elle opère la purification intérieure sans laquelle nul ne peut revenir à la Vérité.
Le mental que nous avons par défaut, croyant posséder la vérité, la transforme en marchandise : il l’échange contre l’erreur, c’est-à-dire contre une interprétation limitée, partiale, déformée. Shrî Aurobindo a constaté que
Ainsi, ce qui est donné comme Parole de Dieu devient, dans l’esprit de l’homme, un mélange d’erreur et de contresens — parfois même une abomination.
Et c’est alors que le verset suivant (16) prend tout son sens : Ce feu, c’est celui de l’intelligence qui croit éclairer par elle-même — le feu mental, brillant mais instable, dont la lumière s’éteint dès qu’elle prétend posséder la Source. Dieu retire alors Sa lumière, non pour punir, mais pour rappeler à l’homme que toute clarté vient de Lui et non du mental qui lui est échu par défaut.
Car le Prophète, " la lumière même de Dieu ", est en l’homme le Mental illuminé — le Mental n’existe pas en dehors de l’homme ! C’est ce Mental illuminé que l’Inde appelle Indra, la Grèce Zeus, les peuples du Nord Odin. Tous expriment la même puissance : celle qui foudroie et martèle la conscience pour lui donner sa forme parfaite, et ceci se fait au travers du " châtiment cruel " qui s’inscrit dans la Révélation de l’Être suprême, et que l’Apocalypse — la Révélation de Jésus Christ — met en pleine lumière, notamment au chapitre 16, tout comme le chapitre 16 de la Bhagavad-Gîtâ, où le Seigneur déverse les coupes de Sa colère.
Ce châtiment apparaît comme cruel pour ceux qui, au lieu de croire aux choses cachées, s’attachent à se placer eux-mêmes un bandeau sur les yeux, en persistant à ne voir que les choses apparentes — mais c’est un jeu où nul ne peut tricher !
" Voilà ce que je ne comprenais point, et cela, parce que les vanités de l’existence étaient comme un bandeau que je me plaçais sur les yeux. " (Le chemin de la perfection, p. 120)
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le Mental illuminé n’est pas ce que le monde appelle intelligence ou imagination. Ce n’est pas un éclat de pensée humaine, ni une disposition passagère du psychisme. Le Mental illuminé, qui est Connaissance de Soi, est le Supramental —– l’Intelligence du Suprême —– l'Intelligence de l'Être universel qui éclaire et gouverne toute chose, et qui est. Le flambeau, l’Intelligence de Dieu, est la Lumière qui éclaire tout —– et c’est ce flambeau même que portait dans ses mains le Bienheureux Prophète, pour l’humanité entière.
Dans les premiers versets du Coran sont énoncées les conditions. Lorsqu’elles sont remplies, l’homme entre dans la Connaissance de Soi, dans la connaissance de son propre être. Alors le Prophète — c’est-à-dire le Mental véritable, le Mental illuminé — vient éclairer le mental qui est le nôtre par défaut, aveugle et couvert d’un bandeau.
Aussi dures qu’elles aient pu paraître à première vue, ces Paroles du Coran éclairent le chemin de ceux qui s’efforcent de remplir les conditions : en leur révélant les obstacles intérieurs qui les détournent de la vérité, elles leur ouvrent le sentier des bienheureux,
Le Soi n’est pas à fabriquer ni à atteindre : Il est là. Ce qui empêche de le voir, ce sont les vanités — illusions, croyances, représentations — dressées entre le regard et la Vérité.
Que de choses que l’on croit importantes, mais qui ne font que maintenir notre esprit éloigné de la Vérité, simples vanités.
6. Dieu a apposé un sceau sur leurs cœurs et sur leurs oreilles ; leurs yeux sont couverts d'un bandeau, et le châtiment cruel les attend. " (Coran 2:5)
" Le Bienheureux Seigneur " qui apporte sa lumière dit :
" Les hommes asuriques n'ont pas la vraie connaissance de la voie de l'action ni de la voie de l'abstention; la vérité n'est pas en eux, ni l'action pure, ni l'observance fidèle. " (16:7)
Et ceux qui n’ont pas l’observance fidèle — ceux qui n’observent pas " exactement ", pour ne pas dire fidèlement, ainsi que nous venons de le voir avec " la prière " — sont les infidèles, qui constituent l’essentiel du mental qui est le nôtre par défaut, un mental qui observe tout, sauf ce qu’il convient. Comment pourrait-on remplacer Celui qui seul est digne d’être observé en tout et partout par de simples pratiques dites spirituelles ou religieuses, et croire qu’il puisse en sortir un résultat heureux ? Dans quelque domaine que ce soit, les moyens doivent toujours être en accord avec le but à atteindre.
Mais alors, " les infidèles ", de même que les " sots ", — ceux qui ne le sentent pas — ne sont pas ceux que l’on croyait ! Car
Comme l’a relevé un interlocuteur de Ramana Maharshi dans un autre contexte,
" 3 Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut.
4 Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres.
5 Dieu appela la lumière « jour », et les ténèbres, il les appela « nuit ». " (Genèse 1:3)
Ainsi s’accomplit la Loi, le Dharma que la Torah met en avant.
Le Soi est, éternellement manifesté. Mais nous restons fascinés, non seulement par les lumières clignotantes de ce monde — ces valeurs trompeuses et éphémères auxquelles on accorde une importance qu’elles ne méritent pas — mais aussi et surtout par les propos des infidèles — leurs refus, leurs négations, leurs raisonnements vides — comme si leur voix avait quelque poids. Pourtant, ce n’est qu’un vacarme qui voile Sa Présence bienheureuse.
Ce n’est qu’au moment où cette apparence perd de son éclat qu’Il commence à devenir le chemin de ceux qui s’en détachent, ainsi que l’enseigne cette Stance de la Loi :
" Il faut se réjouir de voir s’éveiller l’insatisfaction. Elle rend capable de suivre le chemin celui qui ne l’était pas. " (Mâ Ananda Moyî, p. 262)
" « Moi, je suis le Chemin, et la Vérité, et la Vie ! » " (Jean 14,6)
Le but n’est pas de rester accroché à des connaissances particulières mais d’avancer sur le Chemin de la Vie qui se révèle éternellement.
Dans la Bhagavad-Gîtâ, les infidèles — ces puissances ténébreuses du mental qui se révèlent dans le monde matériel — apparaissent surtout au chapitre 16, où les devas et les asuras sont opposés, avec la mise en avant de leurs natures respectives, comme le jour et la nuit. Car l’un peut-il se révéler sans l’autre ?
Dans les Stances de la Loi, ils sont appelés les sots ; dans les Évangiles, les pharisiens. Mais, quelle que soit leur appellation, le constat demeure : il s’agit de les reconnaître en soi, afin que la lumière du Seigneur — celle qui est véritablement " bonne " — puisse s’en détacher. Car, comme le dit l’Évangile selon Jean : " La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée. " (1:5) Et non seulement la lumière véritable s’en sépare, mais de plus elle ne brille que dans " les ténèbres ", celles que Dieu appela " nuit ".
Jamais la nuit ne brille dans la lumière, car, en les faisant disparaître, les connaissances avec lesquelles les hommes s’éclairent s’interposent et empêchent qu’elle se révèle. Et le constat ne peut être que tragique :
" Le sot qui, en raison de ses fausses vues pécheresses, rejette l'enseignement des Arhant et des Arya qui vivent selon la Loi, fait pousser des fruits semblables à ceux du bambou : ils causent la mort de son Soi. " (Stances de la Loi 164)
" l’état naturel, éternel et plein de félicité, a été étouffé par cette vie d’ignorance. Sous cet aspect, la vie actuelle est le résultat de l’assassinat de cet Être éternel et originel. " (Ramana Maharshi, p. 60)
Dans la Bible, tout aurait pu continuer à vivre paisiblement — Caïn avec son frère — mais la Torah, qui représente toute la Loi, en a voulu autrement. Ainsi la vie actuelle résulte bien de cet homicide originel - assassinat qui peut prendre bien d'autres formes suivant les Écritures comme celui d'Ymir (N) . Et cet homicide peut apparaître, selon l’endroit où l’on se tient, soit comme un drame absolu, soit comme une nécessité évidente.
Celui qui pense " je suis dans la lumière " s’est déjà égaré, car il a confondu la lumière véritable avec son reflet mental. La vraie lumière ne s’acquiert pas, elle se reçoit — comme grâce, dans la vigilance. Et elle se reçoit à chaque fois que le " je ", distinct de Dieu, est assassiné, reçoit le coup de grâce. Celui qui veille humblement sait que cette lumière qui éclaire toute chose n’est jamais acquise — et qu'il ne peut en faire ni une profession, ni un commerce — mais toujours donnée, dans l’instant, et qu’elle peut lui être retirée à tout moment.
Cette Présence vivante de Dieu peut se retirer à tout moment, comme il en est question dans l’Évangile selon saint Jean (chapitre 16, versets 19 et suivants), où l’on voit cette alternance de joie et de désolation.
Mâ Ananda Moyî en témoigne aussi lorsqu’elle dit, en parlant d’elle-même :
Donnez-moi la mort ou la vie
Donnez santé ou maladie,
Donnez l'honneur ou les affronts,
Donnez la guerre ou une paix accrue,
Faiblesse ou force accomplie,
À tout cela je dirai « oui ».
Donnez richesse ou pauvreté,
Réconfort ou désolation ;
Donnez-moi la joie, la tristesse,
Donnez-moi l'enfer ou le ciel,
Vie douce et soleil sans voile,
Puisque toute à vous je me rends
Vous plaît-il me donner l'oraison ;
Sinon donnez-moi la sécheresse,
Vous plaît-il me donner abondance et dévotion,
Et sinon la stérilité,
Ô Souveraine Majesté !
Seulement en cela je trouve la paix.
Donnez-moi donc la sagesse
Ou, pour votre amour, l'ignorance ;
Donnez-moi années d'abondance,
Ou de faim et de disette ;
Donnez ténèbres ou jour clair,
Retournez-moi ici ou là
Par le silence ou la parole,
Que je porte des fruits ou non ;
Que la Loi me montre mes plaies,
Ou l'Évangile, sa douceur,
Dans la peine ou dans la jouissance,
Vous seul, ô Dieu, vivez en moi ;
Que voulez-vous faire de moi ? " (Le château intérieur p208)
Plutôt que mille sacrifices, rien ne surpasse le fait de s’offrir soi-même et de recevoir, à chaque instant, ce qu’Il veut nous donner pour notre bien suprême.
Mais le mental humain ne l’accepte pas : il veut tout posséder, tout contrôler, décider lui-même ce qu’il veut vivre — et c’est pourquoi il reste infidèle. Tout est là : " Que voulez-vous faire de moi ? "
Mais comme le rappelle sainte Thérèse de Lisieux, la perfection ne consiste pas à ressembler à l’image que nous en avons :
C’est donc à Lui seul de décider, à chaque instant, ce qu’Il veut être en nous — car Lui seul est vivant, Lui seul est la Vie.
L’aspiration au bonheur, à la vie éternelle est naturelle à toute créature — mais elle ne peut s’accomplir qu’en Le laissant vivre en soi, qu'en le laissant être.
Maître Marc Bonnant, Bâtonnier le formule avec une justesse rare :
Contrairement aux discours lénifiants de ceux qui promettent un " bonheur tranquille, endormi sur un lotus ", la vraie Présence n’endort pas mais éveille. Elle se retire pour que le cœur ne s’installe jamais dans la certitude. Car l’esprit vivant ne s’accomplit que dans l’intranquillité, dans le doute qui empêche toute possession. C’est le signe même de la Vie : une respiration toujours imprévisible, où la Présence se voile et se dévoile pour nous arracher à la complaisance.
C’est tout le contraire des discours moralisateurs de ceux qui promettent un bonheur tranquille — un confort immobile qui ressemble plus à un " doux penthotal de l’esprit et des sens " (Jean-Roger Caussimon, Ne chantez pas la mort) qu’à la Vie.
Car le Soi est ce Soleil resplendissant qui éclaire toute la Vie afin qu’elle puisse vivre, ce Soleil que fait lever Celui qui est au-dessus des pensées du monde, sur " les mauvais " comme sur " les bons ", " les injustes " comme " les justes ", " les infidèles " comme " les fidèles " — car nul ne vit sans lumière.
Dans les Évangiles, Jésus dit à ceux qui se révèlent avec Lui :
" Cessez donc de faire comme vous en avez l'habitude, cessez d’avoir une attitude dualiste, " 45 afin de vous montrer fils de votre Père qui est dans les cieux, parce qu’il fait lever son soleil sur les mauvais et sur les bons, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes....
48 Vous serez donc parfaits, vous, comme votre Père céleste est parfait. " (Matthieu 5:45)
C’est un passage d’une force limpide qui rappelle que toute réalité de bien et de mal, de pur et d’impur, se joue dans le Soi — et non à l’extérieur. Et les derniers mots en sont la clef : tout se résout à l’intérieur, dans la reconnaissance et la purification du Soi lui-même, afin qu’Il retrouve en soi tout son éclat.
Tel est aussi
Le Soi est aussi la Source unique et donc aussi le Chemin et la Vie.
Des " Litanies de Râmdâs pendant son séjour dans la grotte " :
" Il y a deux échelles - Amour et haine - ô Râm, qui jaillissent de Toi. Pour T'atteindre, c'est-à-dire pour monter, c'est l'échelle d'amour qu'on prend. Pour Te quitter, c'est-à-dire pour descendre, c'est l'échelle de haine. L'Amour mène à l'unité ; la haine mène à la différence. L'unité est bonheur. La différence est misère. Aussi, ô Râmdâs, choisis la montée d'Amour qui te mène à l'ultime Paix - immortelle et éternelle - qui est Râm. Si tu quittes Râm, la haine te fait descendre jusque à sombrer dans la douleur, la peur et la mort. Om Shrî Râm ! " (Carnet de pèlerinage, p.122)
Il n'y a pas deux réalités, mais deux directions possibles à partir du Soi. Et " la douleur, la douleur, la peur et la mort " résultent assurément de " la haine ", de la condition "h-um-aine" dans laquelle les hommes se complaisent et qui nous est échue par défaut. Mais qu'elle vienne à tomber, à se détacher comme lorsqu'on arrive à bon port, et il ne restera plus que ces deux lettres " um " qui signifient " un " en portugais et qui s'inscrivent dans la syllabe " Aum " : A comme Amour, l'Amour qui est en soi " la conscience de l'unité" (Swâmi Râmdâs, p18)
Parce qu’il est Un, l’Amour demeure intact, mais selon que je regarde avec mes yeux, qui mesurent et divisent, ou avec l’œil du Seigneur, qui seul aime et réunit toutes choses, je Lui donne vie ou non en moi. Et ceci est à la portée de tout homme qui fait le vœu d’arriver à bon port.
L’accès est universel, mais l’engagement demeure personnel, c’est pourquoi :
Dieu fait cela pour qu’ils reconnaissent, au travers de ses deux faits du Soi, la nature de ses bi(2)enfaits — et découvrent en eux et avec eux ce qui est Un," le Souverain de l’univers ". (Coran 1:1)
Ainsi, la prière — qui est la Sourate première — consiste à se tourner vers le Premier manifesté. L’acte extérieur d’orientation vers la Mecque du musul-man en est le signe visible : se tourner vers la Mecque, c’est se tourner vers le Roi, le Souverain, la Manifestation première (la Man).
Ceci confirme que se tourner vers la " Mecque ", c’est se tourner vers le " Roi ", le Souverain, la Manifestation première ! Elle seule est digne d'intérêt !
Et la Prière — jaillie de cette orientation — est l’Origine inconnue, non pas celle à laquelle on se réfère, mais celle qui Se révèle, ici et maintenant.
| l'Origine inconnue | 184 | 160 | 344 |
| la Prière | 084 | 060 | 144 |
La Prière (récitation à voix haute) qui est faite pour être entendue et comprise avec une Intelligence haute — pour ne pas dire supérieure — est avant tout la " Sourate Pr-em-ière " : le Commencement, l’Origine elle-même.
Au centre de la " Pr-em-ière ", on entend " aim ", comme une variation de " alm ", ces lettres mystérieuses sur lesquelles s’ouvre le Coran : " A. L. M. " — et voici toute la Connaissance qui en résulte obligatoirement.
Sinon notre pensée risque fort de s'égarer. Dieu est lui-même cette Source cachée au cœur de l’être humain.
La Sourate Première nous prend par la main pour nous emmener tous en bateau, tracer dans le bleu, ouvrir en deux le ciel, suivant les paroles de Marie Möör (W), arrangées par Christophe sous le titre " La Man " (W)
" Je veux " — ainsi parle l’âme humaine voilée. Elle veut tant de choses, elle veut tout, elle veut le chaos ! Telle est l’exigence de la lumière en soi. La vie spirituelle est faite pour ceux qui ne peuvent vraiment pas se contenter de la conscience restreinte qui est la leur par défaut, et qui, de fait, ne peuvent rien faire d’autre que la laisser derrière eux. Il n'y a donc aucune raison de s'en enorgueillir ou de se croire supérieur à qui que ce soit.
L'Origine inconnue nous transporte dans les jardins suspendus au-dessus du temps — là où les mots, les images, les êtres se tiennent ensemble dans une seule harmonie.
Et c’est bien la voix de la Mecque, la voix de l’Origine inconnue, la voix de l’âme, la voix de l’Islam, que la Sourate Première fait entendre en 7 versets — pour ne pas dire : en Dieu.
Par définition Di(2)eu (= 39 / 31 / 70) est " le Souverain de l'Univers " (= 270), est Al-Rahman (الرَّحْمَٰن) et Al-Rahim (الرَّحِيم), " le clément " et " le miséricordieux " ou " le Tout Miséricordieux " et " le Très Miséricordieux " suivant les traductions..
Souvenons-nous du discours de Marc Bonnant, qui nous met en garde contre nos certitudes, contre ces choses établies auxquelles nous n’osons plus toucher.
" Le Clément ", " le Miséricordieux " — n’est-il pas temps de douter aussi de leurs définitions figées et de nos certitudes ?
Traditionnellement, on définit ainsi ces deux aspects :
" Le clément " ou " le Tout miséricordieux " est défini comme la miséricorde immense, universelle et absolue de Dieu envers toute Sa création, sans distinction entre croyants et non-croyants.
" Le miséricordieux " ou " le très miséricordieux " est défini comme une miséricorde particulière, spécifique et constante que Dieu réserve à ceux qui croient en Lui et qui suivent Ses commandements. C'est une miséricorde qui se manifestera pleinement dans l'au-delà, par le pardon et l'entrée au Paradis.
Le premier attribut correspond bien au " Souverain de l'univers " . Le second, à première vue, paraît s’en éloigner — et c’est là que commencent les dérives, lorsqu’on oublie que ces deux qualités, universelle et particulière, lumière et ombre, sont toutes deux réunies dans le même Soi.
" Il importe beaucoup, et plus que beaucoup, de marcher avec une grande attention, de veiller toujours sur nous-mêmes, afin que nous ne perdions pas de vue ce Seigneur qui nous accompagne. " (Sainte Thérèse d'Avila)
" Ainsi, veillez sur vous-mêmes de très près, je vous le demande pour l’amour de Dieu. Nous devons donc toujours être en éveil et bien voir comment nous nous comportons, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur. " (Sainte Thérèse d’Avila, Le Château intérieur, p. 238)
Mais ils demeurent sur le bon chemin.
" La pensée préside aux choses " (Stances de la Loi 1&2), et ce qui est pensé en vigilance ne meurt point mais demeure éternellement vrai ; les autres, privées de cette vigilance, finissent tôt ou tard par se dissoudre — elles tombent en poussière, et s’évanouissent comme si elles n’avaient jamais été.
Et que de pensées fausses sont tombées depuis que le monde est monde… des pensées qui ne reflètent en aucune façon " le Souverain de l’univers ".
Les hommes ne sont finalement que les témoins des pensées qui les habitent — vraies ou fausses, justes ou illusoires. Voilà pourquoi, avant de parler des hommes, de leurs histoires et de leur préoccupations, les Écritures évoquent d’abord ces pensées, que chacun se doit d'observer dans sa conscience, s’il ne veut pas sombrer dans l’inconscience de lui-même. La vie spirituelle est la Vie consciente de l’Esprit. Ce que l'on oublie si facilement.
3. Souverain au jour de la rétribution.
4. C'est toi que nous adorons, c'est toi dont nous implorons le secours,
5. Dirige-nous dans le sentier droit,
6. Dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes bienfaits,
7. De ceux qui n'ont point encouru ta colère et qui ne s'égarent point. AMEN.
4. C'est toi que nous adorons, c'est toi dont nous implorons le secours,
5. Dirige-nous dans le sentier droit,
6. Dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes bienfaits,
7. De ceux qui n'ont point encouru ta colère et qui ne s'égarent point.
Qui donc se doit de diriger ses pensées comme un berger dirige ses brebis ? Ce n’est pas un dieu extérieur, perdu quelque part on ne sait où dans ce vaste univers ; ce n’est pas non plus l’homme ordinaire, soumis à la perception de son moi limité aux apparences extérieures et enfermé dans ses illusions. Mais l’Homme souverain — l’Homme réalisé, l’Homme fait à " l'image de Dieu " (Genèse 1:27), celui qui n’est que Son Image, que " Cela qui est éternellement révélé. " (Mâ Ananda Moyî, p. 263)
L’homme ordinaire n’est pas l’image de Dieu, car il ne Le représente pas. En revanche, Celui qui se manifeste comme le Seigneur, le Maître, le Roi ou le Sage dans les Écritures — Lui Le représente totalement. C’est Lui le roi, c’est Lui le souverain — le mec. C’est Lui qui entend en Lui le cri de la Vie : "Dirige-nous dans le sentier droit. " Car la souveraineté, ce n’est pas dominer autrui, c’est gouverner son royaume — ses pensées — dans la lumière de l’Esprit, afin qu’aucune de ses brebis ne s’égare.
" Pour l'instant, à genoux, avec patience,
reste sans bouger ; fixe ta vie au chapelet de ta prière jour après jour, fidèlement.
N'attends rien d'autre que la force qui pour toi la répète, inlassablement de l'aube à la nuit, qui la reprend dans l'obscurité.
Un jour elle éclatera d'elle-même, ta prière, elle se brisera dans un étincellement de beauté !
Et ton cœur, enivré, s'écoulera dans sa lumière jusques-à l'infini bleuté.
Ne songe pas alors qu'elle fut la dernière, la plus pure.
Dis-toi que chaque aurore est la première de tant d'autres pour l'âme qui contient l'éternité. " (Mâ Sûryânanda Lakshmî - Les sentiers de l'âme p.28)
Tout converge en " un seul troupeau, un seul Berger " (Jean 10:16) — non seulement les Révélations données à chaque peuple, mais aussi les pensées, la prière, l’âme et même l’ego dès le moment où il s’incline et reconnaît son ignorance.
Le " moi " se met en avant, mais en réalité, lorsque Tu es présent, ce ne sont plus ses pensées qui s’expriment, mais les bre-bis (2) — les pensées de Di(2)eu, celles que " le Portier " laisse passer. Car, selon l’Évangile de Jean, le vrai Berger les connaît une à une et les appelle par leur nom. Elles ne viennent pas de l’ego, mais de Celui qui unit les deux en un seul ensemble — " un seul troupeau, un seul Berger ".
Reconnaître son ignorance, son impuissance, sa mauvaise voie est fondamental, car aucune souveraineté digne de ce nom n’est possible sans ce retournement. Et,
Ils n’en avaient pas la connaissance et peut-être même, comme beaucoup, les confondaient-ils avec " le club des joyeux moutons " (W). L’humour, en effet, libère l’intelligence, lorsqu’il n’est ni mépris ni haine de l’autre. Quand toute la salle bêle avec les Vamps, une vérité éclate : " On leur ferait faire n’importe quoi ! " — si l’on observe le monde où tant de pensées et tant d’actes s’égarent dans le n’importe quoi, on ne peut que le constater. On peut dire qu’il en sera ainsi aussi longtemps que le " moi ", qui abuse de la crédulité des hommes, restera actif.
Aussi tragique que cela puisse être, on peut dire aussi qu'
Ainsi, lorsque les Vamps font bêler joyeusement toute la salle en chœur — " bêêê, bêêê, bêêê " — et concluent : " On leur ferait faire n’importe quoi ", le rire se retourne en lucidité. La salle réalise soudain qu’elle s’est laissée abuser. Lorsque les hommes se prennent trop au sérieux, les forces mensongères du moi individuel les tiennent prisonniers ; mais une étincelle d’humour suffit à briser leur prestige et à dissoudre leur emprise.
Mais derrière tout cela, Il y a le grand Dispensateur de toutes choses, et avec Lui le Jeu divin qui libère les uns et enchaîne les autres à toutes sortes de futilités. Dès que quelqu’un se prend au sérieux et craint de perdre la vision de son moi individuel, il reçoit ce qui va le conforter. Car avec le Seigneur, c’est le Jeu terrible de Sa création où, tel le Soleil, chacun reçoit de Lui son désir.
Il en résulte que certains reçoivent ce qui les rapproche de Lui, les amenant au large, en haute mer, tandis que d’autres reçoivent ce qui les en éloigne et se retrouvent ainsi littéralement promenés en bateau, embarqués dans les mirages changeants de Mâyâ. Ils croient vivre des choses fantastiques, extraordinaires, comme ceux qui s’écrient " Venez voir ce monde brillant… ", alors qu’en réalité ils ne font que patauger dans l’illusion d’un mental qui les détourne sans fin de la vie qui aurait pu être la leur. Voilà pourquoi il vaut mieux ne jamais Le perdre de vue. Car
" 170. Il faut considérer le monde comme une bulle, comme un mirage : celui qui le voit ainsi échappe aux regards du roi de la mort.
171. Venez voir ce monde brillant comme un char royal : les sots s'y immergent, alors que les sages s'en détachent.
172. Mais celui qui après avoir été négligent ne l'est plus illumine ce monde comme l'astre lunaire quand il n'y a pas de nuages.
173. Celui dont les bonnes actions effacent les mauvaises illumine ce monde comme l'astre lunaire quand il n'y a pas de nuages. " (Stances de la Loi 170)
Mais cela exige beaucoup d’humilité et de bonne foi pour le reconnaître.
Ce rire divin est essentiel. Dans la Bible déjà, le fils du premier Patriarche — que le monde considère comme le père des trois grandes religions monothéistes — se nomme " Isaac ", ce qui signifie : " Il a ri ! ". Car, à son sujet, " Sara ", son épouse, dit :
" Sara ", l’épouse, la shakti, n’est pas une personne distincte de celui auquel elle est associée : elle en est l’expression extériorisée. Et ici, unie au premier Patriarche, elle apparaît comme la Mère primordiale qui, en enfantant " un fils unique ", allaite tous les " fils " — c’est-à-dire toutes les Révélations qui nourrissent l’humanité entière.
Ainsi, le rire — cette expression de soi — marque la naissance impossible rendue possible par Dieu : il scelle la promesse en laquelle résonne la joie de Dieu Lui-même. La délivrance joyeuse s’inscrit au cœur même de l’Alliance.
Et dans " ton fils, ton unique " (Genèse 22:2), dans ton rire, est la Source qui nourrit toute notre humanité, toute cette vie qui, en nous, n’attend que de s’épanouir librement dans la lumière.
Avec ce rire, comment ne pas penser au sourire qui illumina le visage du futur Bouddha, lorsqu’en lui se leva le Soleil unique de l’éveil intérieur — Sûrya, que l’Inde prononce Sourya — devenant ainsi celui dont les paroles illuminent la vie de tous ceux qui désirent en avoir la vision.
Comme les bergers qui, dans la nuit, veillent — accomplissant ainsi la Loi de la Stance 157 — pour entendre la Bonne Nouvelle : " la bonne nouvelle d'une grande joie " (Luc 2:10)
Dans l’enseignement de Mâ Ananda Moyî se trouve une prescription qui n’a rien de léger ni d’anecdotique. Bien au contraire c’est un acte spirituel de première importance — Isaac lui-même en témoigne. Alors
" Riez tant que vous pourrez ; cela relâchera toutes les articulations crispées de votre corps. Il faut que votre rire vienne du plus profond de votre cœur ; il doit vous secouer de la tête aux pieds, si bien que vous ne sachiez plus quelle est la partie du corps qui réagit le plus violemment. Mais si l’âme est assoupie, votre rire ne sera que sur vos lèvres. Je voudrais vous voir rire avec votre bouche, avec votre cœur, avec tout le souffle de votre vie !
Pour y arriver, ayez foi en vos propres facultés et essayez d’établir des rapports harmonieux entre le moi intérieur et le moi extérieur. Ne multipliez pas vos besoins, mais menez une vie simple et sans tache. Établissez une parfaite identité entre votre propre avantage et celui du monde ; et de toute votre énergie, consacrez-vous exclusivement à Dieu. Alors votre rire répandra de la joie partout. " (p.268)
" les mouvements de joie et de liberté d’une vie totalement divine.
Et alors, rien ne nous empêcherait de savoir, de comprendre, de sentir et de vivre ce rire merveilleux du Suprême, qui prend une joie infinie à se regarder vivre infiniment. Cette joie, ce rire merveilleux qui dissout toutes les ombres, toutes les douleurs, toutes les souffrances ! Il suffit de rentrer en soi assez profondément pour trouver le Soleil intérieur, se laisser baigner par lui ; et alors, tout n’est plus qu’une cascade de rire harmonieux, lumineux, solaire, qui n’admet plus nulle part l’ombre et la douleur. " (La Mère de Pondichery P&A p193)
Poursuivons l'étude de la Sourate première, la Prière. Car, en dissipant le superficiel, le rire illuminateur prépare le cœur aux choses véritablement sérieuses. Et la première question est celle-ci : qui dirige-t-on ? Ses pensées, certes ; la vie en soi, qui aspire à son épanouissement ; mais aussi celui qui prend conscience de son ignorance — conscience de n’être pas sur le bon chemin, d’avoir été abusé. Car c’est ce regard humble et lucide, ce retournement intérieur, qui ouvre la porte du Moi Souverain. Et dès lors ce n’est plus le moi rigoriste qui dirige, mais Celui qui se révèle en lui comme sagesse et clarté.
Dans la Bhagavad-Gîtâ, "le Bienheureux Seigneur" — celui qui guide véritablement en éclairant toutes choses — "dit :
बन्धुरात्माऽत्मनस्तस्य येनात्मैवात्मना जितः ।
अनात्मनस्तु शत्रुत्वे वर्तेतात्मैव शत्रुवत् ॥ ६.६ ॥ :
bandhur ātmātmanas tasya yenātmaivātmanā jitaḥ
anātmanas tu śatrutve vartetātmaiva śatruvat
" Le Soi est pour l’homme son ami, quand, par le Soi, le Soi est vaincu. Mais pour qui n’a pas vaincu le Soi, ce même Soi se comporte comme un ennemi. " (Bhagavad-Gîtâ 6:6)
Le Soi (आत्मा – ātma), tantôt traduit par moi, âme ou esprit, est répété sept fois ici avec des fonctions grammaticales différentes. C’est une indication précieuse : cet " un " — qui est Dieu (7) — demeure le même, mais selon notre disposition intérieure, Il se révèle différemment et sous tant d’aspects et de visages différents. Et en vérité, rien ne surpasse
" Les Sémites ont affligé l’humanité avec la conception d’un Dieu semblable à un roi sévère et digne, un juge solennel qui ne connaît pas la gaieté. Mais nous qui avons vu Krishna, nous savons que c’est un garçon qui aime jouer et un enfant plein de malice et de rire joyeux. " (Shrî Aurobindo, P&A 478) — La première partie de l’aphorisme relève d’un préjugé : Aurobindo a vu le Dieu des Sémites sous le visage d’un juge sévère, et son aphorisme l’exprime parfaitement. Mais ce regard n’est pas la vérité, il reflète seulement ce qu’il n’a pas voulu — ou pas pu — voir. Peut-être a-t-il même choisi de le formuler ainsi, intentionnellement, car rien n’est plus dangereux que de se croire sage, au-dessus du moi, ou déjà dans la vérité. Krishna, en effet, joue avec ceux-là d’une façon terrible, redoutable. La crainte de perdre de vue l’unité qui est Dieu protège de bien des égarements — ceux qui finissent par opposer Dieu au Seigneur lui-même. C’est en ce sens que cet aphorisme nous instruit : il rappelle qu’on ne peut nourrir son esprit sans discernement, sous peine de l’égarer, et qu’un seul est digne d’être reconnu en tout et partout. Car le Seigneur sait même se servir d’une erreur pour nous instruire.
Ymir apparaît dans les textes du grand Nord (Edda). Il a été assassiné par les fils de Burr — car il était jugé " très mauvais ". Et lorsqu’ils l’eurent tué, des différentes parties de son corps l’univers fut consti-tué. (Gylfaginning, chap. 5 à 9) Ainsi, ce meurtre fondateur et spirituel n’est pas une fin, mais un commencement où ce qui est assassiné, ou d’apparaître comme tel, devient paradoxalement la substance même de la Création : l’univers entier est la révélation d’un seul Être, d’un seul Corps, d’une seule Vie — et ce qui, à première vue, peut sembler négatif, ne l’est pas véritablement.